HISTORIQUE DE LA CHRONOTHERAPIE DES CANCERS

 

Les recherches sur la chronobiologie des cancers ont débuté en France, sur le site de l’hôpital Paul Brousse (Villejuif) en 1982. Le Dr Francis Lévi rentre alors d’un stage de recherche de 3 ans dans le Laboratoire de Chronobiologie du Pr Franz Halberg (Minneapolis, USA), pionnier de cette discipline. Georges Mathé, fondateur de la cancérologie européenne et directeur de l’Institut du Cancer et d’Immunogénétique (ICIG), et Alain Reinberg (CNRS), à l’origine de la chronobiologie en France, lui proposent un laboratoire dans l’hôpital Paul Brousse, pour y développer une recherche à la fois fondamentale et clinique sur le rôle des rythmes biologiques dans l’activité des traitements antitumoraux . Recruté au CNRS en 1982, le Dr Lévi prend en compte les rythmes circadiens pour optimiser, d’abord chez la Souris, les nouveaux médicaments anticancéreux dont l’équipe du Pr Mathé étudie l’activité chez les patients souffrant de cancer.

Le laboratoire de Chronothérapeutique des Cancers, qui deviendra ensuite « Rythmes Biologiques et Cancers »  (RBC, INSERM U776) puis l'Equipe 3 de l'unité INSERM U935, va démontrer, en coopération avec plusieurs industriels du médicament, que la tolérance de l’organisme à 16 agents anticancéreux varie de 50 à 500% selon le stade circadien d’injection chez la Souris (Figure 1).

 
 

Figure 1 : Heures d’administration de la chimiothérapie correspondant à une meilleure tolérance expérimentale en fonction du rythme d’activité-repos.

Plusieurs mécanismes sont mis en évidence pour rendre compte de la chronopharmacologie des anticancéreux – rythmes circadiens du devenir du médicament dans l’organisme (chronopharmacocinétique) et des effets du médicament sur les tissus sains ou cancéreux (chronopharmacodynamie). Dès 1984, le laboratoire conduit des recherches expérimentales et cliniques, afin d’améliorer les traitements des cancers par la prise en compte des rythmes circadiens.

Les premiers essais cliniques montrent que l’association de deux anticancéreux, la theprubicine à 6 :00 et le cisplatine de 14:00 à 18:00, est moins toxique que l’association de ces deux médicaments avec des horaires décalés de 12 h. D’autre part, l’’étude des rythmes individuels révèle une altération profonde des rythmes du cortisol et des globules blancs circulant chez 1/3 des patients atteints de cancer avancé ou métastatique du sein ou de l’ovaire. Ceci peut expliquer le fait que certains patients bénéficient davantage de la chronothérapeutique que d’autres.

Malgré l’absence de soutien financier du CNRS, de l’INSERM ou de l’Université, le laboratoire poursuit les investigations chronopharmacologiques grâce à la motivation des chercheurs non statutaires, au soutien de l’hôpital Paul Brousse et de l’ICIG et aux contrats industriels. Les développements parallèles de l’oxaliplatine et des pompes programmables (Figure 2) vont jouer un rôle clé dans la visibilité et la reconnaissance internationale du laboratoire, et de la thématique qu’il porte. Notre laboratoire étudie d’abord la chronopharmacologie de l’oxaliplatine, initialement considéré comme trop toxique pour poursuivre son développement. Le laboratoire montre ensuite une amélioration de la tolérance clinique de l’oxaliplatine par une administration selon un débit chronomodulé sur 24 h plutôt que constant en 1990. Au cours des années suivantes, les essais cliniques conduits par notre laboratoire démontrent l’amélioration de l’activité antitumorale de l’oxaliplatine grâce à une administration chronomodulée, en association avec le 5-Fluorouracile et l’acide folinique, deux médicaments couramment utilisés pour traiter les cancers colorectaux (Lévi et al. 1992Lévi et al. 1994 ; Lévi et al. 1997 ). Notre laboratoire suscite alors la création du Groupe de Chronothérapie, auquel se joignent près de 40 centres de cancérologie européens, et mène une trentaine d’essais cliniques de chronothérapie chez des patients cancéreux.

 

Figure 2 :  Développement chronothérapeutique de l’oxaliplatine. Identification des heures de moindre toxicité chez la Souris et démonstration d’une amélioration de la tolérance et de l’efficacité antitumorale en association avec le 5-Fluorouracile-Acide folinique, en comparaison d’une perfusion constante chez des patients atteints de cancer colorectal métastatique.

 

La découverte d’un pacemaker circadien hypothalamique, puis d’horloges moléculaires responsables de la génération d’une oscillation de 24 h dans chaque cellule révolutionne les recherches en chronobiologie. Le laboratoire intègre ces approches moléculaires et cellulaires pour approfondir le rôle des horloges biologiques et de leur coordination dans la progression cancéreuse et l’efficacité des traitements anticancéreux. Notre laboratoire devient en 2003, la première équipe INSERM consacrée à la thématique des rythmes biologiques, il démontre pour la première fois le rôle des horloges circadiennes dans la progression cancéreuse expérimentale (Filipski et al. 2015; Filipski et al. 2002), puis la clinique (Innominato et al. 2009; Mormont et al. 2000), et met en évidence que le sexe détermine des différences du schéma chronothérapeutique optimal.

Evalué comme laboratoire d’excellence par l’AERES en 2009 (note A+), RBC est renouvelé en tant qu’unité mixte de l’INSERM et de l’Université Paris Sud 11 jusqu’en 2014, et centre ses recherches sur une approche de biologie des systèmes des horloges circadiennes et de la chronothérapeutique en cancérologie. Ses projets de recherche sont financés par les programmes de recherche européens ERASYSBIO+ et FP7, les programmes technologiques de l’ANR ou de coopération industrielle, l’Association pour la Recherche contre le Cancer (ARC), et l’Association Internationale pour la Recherche sur les Rythmes Biologiques et la Chronothérapie (ARTBC Internationale).

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